Le choix cornélien du correcteur

De nombreuses discussions entre auteurs auto-publiés tournent autour de la sempiternelle question : faut-il se payer une correction professionnelle? Le débat sous-jacent étant plutôt : si je pédale dans les classements, c’est parce que je n’ai pas été corrigé par un pro.  Et revoilà les remarques acides du type : avec un éditeur papier, c’est systématique et c’est pour cela que ça marche.

Il est très facile, sur internet, de vérifier les classements des auteurs que l’on croise sur les forums. Comme par hasard, ceux qui se plaignent de ne pas avoir bénéficié de conseils de pros sont aussi les moins bien classés. Mais cela ne veut pas dire que les autres ont eu cette opportunité, ni même, qu’ils l’ont seulement envisagée. Derrière chaque texte qui parvient à toucher un public, il n’y a pas nécessairement un professionnel. Mais il y a un écrivain.

Personnellement, j’ai du mal à comprendre que l’on puisse se dire auteur, et avoir besoin d’un professionnel de la correction. Un auteur, c’est un professionnel en soi. Ou alors, ce n’est pas un auteur, mais un noircisseur de pages. Certes, il y en a beaucoup… Et c’est bien là tout le problème.

Que l’on ait besoin d’un regard extérieur sur son travail, c’est indéniable. Pour éviter des « tics » de style, des répétitions que nous faisons tous, et toiletter un peu le tout. Surtout, au démarrage. Au premier ouvrage. Mais je ne dirais pas qu’il s’agisse d’une correction. Pour me faire mieux comprendre, j’utiliserai une métaphore : un texte à corriger, c’est un terrain vague, envahi d’herbes folles, de ronces, d’arbres abattus, où l’on se perd. Errant, boussole en main, entre des troncs qui disparaissent sous les lianes. Une seule solution : la tronçonneuse. A l’arrivée, le style de l’auteur, ses personnages, son histoire, on a tout oublié en route. C’est la politique de la terre brûlée. Un texte à toiletter, c’est un jardin structuré, entretenu, avec ses parterres de fleurs, ses allées bien tracées, sa pelouse. Certes, les rosiers méritent une bonne taille de printemps et la pelouse a besoin d’être raccourcie, mais c’est tout.

Pour l’élagage, je n’ai pas de solution à proposer. A ce stade, je suggérerais le macramé.  Pour le jardinage, je ne suis pas persuadée qu’un professionnel soit nécessaire. En ce qui me concerne, j’ai refusé qu’aucun pro se penche sur mes textes. Pour corriger quoi? Le style? C’est le mien et je suis incapable d’en changer. Ce blog est écrit comme le sont mes livres. L’histoire? J’espère bien que j’en ai une à proposer sinon, je ne sais pas pourquoi je me serais mise à écrire…  (je rappelle à cette occasion que j’ai placé 2 livres sur 2 dans le top 100 KDP et qu’à la date de cette publication, j’ai vendu plus de 2400 ouvrages en 3 mois).

Le regard extérieur dont j’avais besoin, ce regard bienveillant mais impitoyable, je l’ai trouvé dans mon entourage. Le toilettage s’est fait tout seul. Un mot par-ci, un adverbe par-là. Penser à commencer ses phrases par un complément de temps ou de lieu, éviter des répétitions de langage (« voire même », ce n’est pas français, « voire », cela suffit amplement…). Les discussions tournaient sur des points tels que : dans telle réplique, vaut-il mieux mettre « vous savez? » ou « savez-vous? ». Ton personnage (me disait-on), dirait plutôt la phrase comme ceci, ou comme cela. Souvent, je cédais. Des morceaux de paragraphes ont été sacrifiés sur l’autel de la fluidité, avec le sentiment qu’on me coupait le bras. Mais le travail n’est pas allé au-delà parce qu’il n’y en avait pas besoin. Et je pense que s’il y en avait eu besoin, je n’aurais rien publié du tout.

Alors, voilà mon conseil : inutile de payer un correcteur professionnel. Car la vérité c’est que si le texte est mauvais, il le restera. Au mieux, ce sera un emplâtre sur une jambe de bois. S’il est bon, il le restera aussi mais vous aurez dépensé une fortune pour rien. Parce que s’il est bon, un non-pro peut tout aussi bien vous aider. Ce dont vous avez besoin, c’est d’un lecteur passionné par vos écrits. Si, en plus d’être un pro, votre correcteur doit aussi être un fan, vous ne le trouverez jamais. Mais un fan, un proche, un ami, un collègue qui dévore vos pages, vous le trouverez. Et si vous ne le trouvez pas, eh bien… C’est peut-être parce que vous avez des prédispositions pour le macramé.

Pour ceux qui se poseraient la question (plus grave) de l’orthographe, voir la rubrique « coups de gueule »

4 Commentaires

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  1. Je suis tout particulièrement d’accord avec la phrase « si un texte est bon il le restera, de même s’il est mauvais » (citation modifiée par rapport au post d’origine ^^). La correction doit rester de l’ordre du peaufinage et de la décoration finale. S’il est question de radicalement modifier le texte lui même c’est qu’il y avait un réel problème à la base. Merci ce post intéressant . bonne journée.

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  2. Bonjour,

    Je suis d’accord avec pas mal de choses sur ce blog, mais là il y a une phrase qui m’a fait bondir : « j’ai du mal à comprendre que l’on puisse se dire auteur, et avoir besoin d’un professionnel de la correction. »
    Je ne suis pas du tout d’accord.

    En ce qui me concerne, je suis auteur. Mais je suis aussi correctrice. Et comme tous les correcteurs dignes de ce nom, si je vérifie l’orthographe, la conjugaison, la grammaire, la syntaxe, si je traque les répétitions, je passe surtout beaucoup de temps à corriger la typographie. Et s’il y a un domaine auquel le lecteur lambda (ou même l’auteur lambda) ne connaît en général pas grand-chose, c’est bien celui-là.

    Pour traquer les espaces en trop, celles qui ne sont pas insécables alors qu’elles devraient l’être (oui, le mot espace en typographie est féminin), vérifier la mise en forme des dialogues, j’en passe et des meilleures, il faut un œil acéré… et entraîné. En plus, bien sûr, d’être extérieur.
    C’est pour cette raison que, même si je suis auteur et correctrice, je fais corriger mes textes par une collègue. Mon œil les connaît trop bien pour pouvoir les analyser correctement.

    Cela dit, je suis d’accord avec toi sur un point : une correction parfaite ne transformera jamais un mauvais texte en bon texte. Elle ne pourra que transformer un bon texte en texte parfait 😉

    Florence

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    1. Bonsoir,
      Il se trouve qu’avant d’être auteur, j’ai moi aussi été correctrice. J’ai exercé pendant quatre ans la belle profession d’écrivain public. Malheureusement, je ne peux dire qu’une chose des manuscrits que l’on m’a soumis à l’époque : il n’y avait rien à en tirer. Et c’est bien pour cela qu’ils ont atterri chez moi, qui en ai fait ce que j’ai pu. Rien sur le fond (inexistant), à peine mieux sur la forme (ou alors, cela aurait été la mienne). D’où, mon propos : quand c’est bon, il y a peu de chose à corriger et dans ce cas, l’auteur n’a pas besoin d’un pro ni d’une prestation payante. Moi, ma correctrice attitrée est ma soeur, directrice financière de son état. Quand on a besoin d’un pro, c’est qu’on est foutu. Désolée de l’écrire aussi cash mais c’est ce que je pense, même si cela fait le beurre des pros. Je le sais, j’en ai vécu. Mais d’un torchon, nous ne ferons jamais rien d’autre qu’un papier toilette. La réalité étant qu’il y a tellement de torchons en circulation que les correcteurs ont encore de beaux jours devant eux.

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  3. Bonsoir,

    Je serais d’accord avec toi si tu remplaçais le mot « correcteur » par « rewriter » : quand on a besoin d’un rewriter, c’est qu’on est foutu 🙂
    D’ailleurs, quand on me présente un manuscrit qui a besoin d’être réécrit, je le refuse ; je ne fais pas ce genre de travail.

    La correction, c’est autre chose et tout le monde en a besoin. Même le meilleur des auteurs (parce qu’il a forcément modifié son texte à multiples reprises, ce qui augmente les risques d’erreurs), même le meilleur des correcteurs (parce qu’il connaît tellement son texte qu’il voit ce qu’il veut voir et pas ce qu’il a effectivement tapé sur son clavier).

    Ta sœur a sans doute « nettoyé » ton texte mais elle n’a pas tout corrigé, loin de là. Je trouve que c’est dommage, même si cela ne t’empêche pas de vendre des livres…

    Florence

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